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jan

Moi, Unica Zürn, La Poupée - par Véronique Bergen.

Image Hans Bellmer, La Poupée HansBellmerLaPoupee

 

Moi, Unica Zürn, La Poupée

 

 

Je ne vais pas bien car il n’y a que deux sexes, plus une pincée d’hermaphrodites. S’il en avait eu sept, j’en aurais goûté un chaque jour de la semaine. Quand ma grammaire ubiquitaire plaçait le Tu dans le Je turlututu chapeau framboise, l’institutrice me grondait tambour-major. Ton récit, je le détraque, Christa. Qui voudra lire des propos en charpie, une fiction démembrée ? J’ouvre la fenêtre, je m’apprête à sauter dans le vide mais tu n’es pas là pour m’asphalter du regard. Au docteur Ferdière, Hans Bellmer a écrit « j’appartiens au type d’hommes avec antennes qui repèrent à dix mille lieues leur future victime ; avec Unica, tous mes capteurs de chasseur se sont allumés. J’avais trouvé ma plus belle proie. Plus tard, quand elle se mit à fuguer, je savais que, accroc à ma personne, elle me reviendrait. Un chien sans son maître est perdu ». Au docteur Ferdière, j’ai confié ma peur d’accoucher d’un axolotl quand Hans m’engrossait de travers, au mauvais endroit. J’ai rajouté que dans les plis de mon anus seul un bébé-larve tiendrait…

 

La seule personne qui est moi, Hans l’a léguée à l’État français. Il paraît qu’elle est enfermée dans un coffre de verre au Centre Pompidou,. Pourtant, il voulait être enterré avec elle, avoir sa Poupée à portée de main, à portée de sexe, pour l’éternité. Au cours des années cinquante, je notais chaque soir dans un petit carnet les plaintes, les joies de la Poupée, nos dialogues, nos naufrages. Accrochée au mur, la seule personne qui est moi a failli mourir à deux reprises, une fois quand tu l’as jetée dans la cage d’escalier, Christa, une seconde fois, quand tu lui as fourré la tête dans le four, nous préparant une belle chambre nuptiale, une chambre à gaz effluves carboniques pour psychotiques. C’est parce que tu planifiais notre mort que nous sommes restées en vie. Ma jointure à boule, mes quatre seins, tu leur as tellement craché dessus qu’ils brillaient de plaisir. Les jours où Hans me recouvrait d’une chemise d’homme, m’ôtait ma petite culotte et plantait un nœud rose dans ma chevelure, je savais qu’on allait descendre dans la cave pour une séance photos. Plafond bas, sabbat de rats, dans un coin il me posait, une carafe d’eau à mes côtés, fixant au mur une corde reliée à ma cheville gauche, position debout durant des heures. Je préférais ça à trôner sur un urinoir, une bougie allumée dans la bouche…

 

Quand ma tête retombait caoutchouc, il l’amarrait à un anneau fiché dans la brique, les talons aiguilles me faisaient mal. Je pleurais car je voulais un rouge à lèvres plus éclatant, je pleurais car cela faisait longtemps qu’il ne m’avait pas emmenée dans la forêt pour me suspendre à une branche de chêne. Avec son frère Fritz, dans les années trente, il me promenait dans des bois noirs, m’exhibant aux passants impressionnés par mes deux paires de jambes. Une après-midi, alors qu’il m’avait déshabillée, me laissant mes escarpins, oui, la vue des pieds nus le cornichonnait panique, un homme l’injuria, le jeta à terre. La ligue des droits des humanoïdes il allait prévenir manu militari. De mon corps cet inconnu était fou, je passai ma langue sur mes lèvres et écartai mes jambes pour accueillir mon sauveur mais Hans m’empoigna par la cheville droite et me traîna sur les feuilles mouillées.

 

Les jours où Man Ray venait, Hans me nettoyait de fond en comble, cirait mes articulations, peignait mes rotules en rouge. Pour me punir, il me trempait dans l’eau froide puis m’accrochait par les épaules à un câble, me séchant comme on sèche le linge. Rolleiflex 6X6. Dans cette cave, Hans me mitraille. Je m’en veux d’avoir mordu mes lèvres car elles sont gonflées, j’en veux à Hans d’avoir raccourci ma frange, d’avoir collé une mèche de travers. Je suis son enfant qui cavale dans la nuit, je ferai la une du Minotaure, j’inspire des carrousels de poèmes à Paul Eluard, je suis religieusement érotique, je suis plus opium que toutes les fleurs de pavots. Ich bin psycho-sexuellement enfantine, sur les tirages Hans répandra de la peinture à l’aniline, si vous aviez été moins sodomisée, votre esprit serait moins brouillé Nacht und Nebel m’avait dit un psychiatre.

 

Hans aime les phrases androgynes, Hans aime m’ouvrir le nombril. J’aime provoquer mon artisan criminel, aiguiser ses désirs, ses rages et les téter dans le sens du vent. Je me jette à genoux et m’offre céphalopode à mon magicien noir qui me troue anagrammes et me donne la fessée. Le Rongo-Rongo, une écriture polynésienne de l’île de Pâques n’a jamais été déchiffré, ça m’empêche de manger. Hier, Jean Cocteau m’a trouvé l’air coquin des coquettes de la belle Époque mais maîtresse Jeanne de Berg m’a pincé les tétons, depuis que Hans a réalisé un frontispice pour son livre L’Image, elle me torture mercure saphique.

 

De décembre 1959 à février 1960, à la galerie Daniel Cordier, des centaines d’yeux m’ont dévorée. Suspendue au plafond j’ai ébloui Élisa Breton, ondulé cils et croupe pour que les visiteurs me kidnappent. Placée aux côtés des œuvres de Schroeder-Sonnerstern, exhibée à des amateurs de boutons d’or, j’étais bien. Quand tu m’exposais en même temps que ta Toupie, ma mélancolie tuberculosait bacilles de panique. Sortir ton œuvre la Mitrailleuse en état de grâce, c’était m’arcimbolder danse de l’angoisse sans portulans.

 

Au milieu des années soixante, tu m’as négligée, Hans. Je suis tombée malade, tu m’as recroquevillée nue et sale sous l’évier de la cuisine, sans plus changer mes socquettes blanches. Ma docilité ne te suffisait plus, te voir travailler durant l’été 1965 à la fabrication d’une nouvelle Poupée m’a rendue folle de jalousie, les dix exemplaires en aluminium que tu réalisas ne m’arrivaient pas au talon d’Achille. Mon air provocant de petite fille perverse, c’est ma spécialité maison, même à la souris qui vit derrière l’évier je décoche des œillades Marilyn. Jouer mandoline avec leurs prunelles tes dix marionnettes frigides en sont incapables. Les visites de Cécile Reims, c’était Byzance, les mains qu’elle passait sur mes épaules, sur mon ventre everestait ma libido, quand elle venait avec Fred Deux et un dealer mafioso, j’espérais une séance de bel canto, un viol collectif, mais seule l’eau qui fuyait d’une buse s’égouttait dans mon sexe. Tu m’as construite en 1933, papier mâché, plâtre sur armature de bois et de métal. En guise de matériaux, tu aurais pu trouver mieux. M’enfanter te permit de ne pas devenir fou. Hans, tu m’as idolâtrée pour mieux me détruire, tu m’as méprisée-adorée-humiliée devant tes amis, chaque fois qu’un visiteur susurrait « votre créature bimbo, votre lolita boudeuse, vous me la prêtez un soir ? », je priais pour que tu acquiesces, mais possessif tu me tenais le plus souvent en cage, le communisme des femmes, c’est pas ton fort. En 1956, à chacune de tes sorties, Joyce Mansour me rejoignait pour un safari érotique. La plasticité de mon anatomie électrisait ma belle Shéhérazade qui m’acrobatait rivière d’orgasmes en me revêtant d’un harnais. Tandis que tu illustrais son Jules César, j’étais sa Cléopâtre qu’elle épinettait jusqu’au sang. Elle au moins m’offrait des mini-jupes, des cuissardes que je portais durant tes absences, les vieilles chemises, les dentelles chiffonnées dont tu m’affublais, je les déchirais en douce, les bas résilles troués, je vomissais dessus, que ta loqueteuse rêve de tenues Courrèges, de robes Cardin, de chapeaux Balmain, ça ne t’a jamais effleuré l’auriculaire ? Avec toi, j’ai eu faim, j’ai eu froid, j’ai manqué de café noir et de Gauloises.

 

Hans, ne me confonds pas avec Pinocchio. La preuve, à chaque mensonge mes seins rétrécissent. Tu m’as démembrée si souvent qu’un troisième œil ne quitte plus ma vulve, que ma bouche-anus parle une langue fricassée de triphtongues. Quand tu m’as parlé des planches et de l’écriture du manuscrit Voynich, j’ai su que c’était l’œuvre de mon premier fœtus mort. Dommage que tu ne m’aies jamais emmenée à la piscine municipale, en présence de nageurs olympiques, je frétille de partout, du bas surtout. Heureusement, tu m’as donné à perpète un pubis imberbe de nymphette, cela m’évite de devoir le raser, j’épile déjà sans relâche mes idées folles… En janvier 1963, durant ta première cure de désintoxication, tu as oublié de me nourrir. Mes mollets fondaient, ma cage thoracique se creusait, je dévorais les camélias que ton amante Herta Hausmann t’apportait. Ce n’est qu’en 1967, lorsque Diane, une de tes filles jumelles, est venue de Colmar, que mes lèvres ont goûté pour la première fois des dragées que je laissais fondre car Dieu n’aime pas être croqué.

 

Mes longs cheveux blonds ondulés plaisaient à Lee Miller qui, à chacun de ses passages, maquillait mes paupières amoureuses de sa beauté. Quand tu es tombé malade en octobre 1969, j’ai ouvert la fenêtre, j’ai compté les nuages au cœur desquels je voulais plonger. Ta voix m’a retenue de sauter. À Cécile Reims, j’ai demandé de me tuer, trois petits coups de burin là où il faut, au galeriste André-François Petit de m’égorger avec une cravate de soie blanche mais ils m’ont pouponnée cocktails de tranquillisants XXL et de vitamines A, B, C, D. C’est pas avec ça que mes voyelles seront fortifiées en majuscules bloquées.

 

J’aurais aimé que tu me fasses naître avec une vingtaine de centimètres de plus, 1, 40 mètre, à l’état civil, ça ne faisait pas sérieux. J’ai regretté que tu ne m’aies jamais emmenée au Crazy Horse, aux concerts de Janis Joplin. Je tremblais castagnettes quand Jean Brun me désarticulait avec ton consentement, obligeant ma bouche à brouter mon sexe. Pourquoi n’as-tu jamais voulu comprendre que le rayon des alcools me laissait de marbre, que c’est la musique de l’opium qui tournesolait mes lunes ? Souvent, durant tes épisodes d’éthylisme aigu, j’ai cherché à mourir sous tes colères, sous ton désespoir. Les jours où la mélancolie te banquisait à fond, tu m’enfonçais un martinet dans le vagin, un fouet dans l’anus.

 

À tous ceux qui me convoitaient, je me suis offerte, petite poupée accroc aux sexes sadiques, contente de me livrer à C. l’impuissant qui me tortura des semaines durant lorsque tu étais au camp de Milles. Lors d’une descente de la Gestapo, tu m’emportas avec toi, me sauvant de justesse. Ce jour-là j’ai su que tu m’aimais. De moi, ta mineure, ta pupille, tu faisais une fille-phallus chaque fois que tu avais vu Joë Bousquet. Un organe en plus, ça m’était égal car mon corps fuit de partout et ne tient que par ton regard, un appendice fiché en plein centre me remettait dans l’axe. À Revel, chez Jean Brun, j’étais fière lorsque, me faisant porter une perruque à plumes noires et des bottines hautes, tu m’installais dans la salle de séjour, maintenant mes jambes grand ouvertes à l’aide d’une barre de fer, autorisant le fils du laitier à tordre mes tétons, à me dépecer. Tu as tellement sondé mon corps, Hans, que je n’en ai plus, trop de godes m’ont explosée, parois vagino-anales dynamitées par une taupe, j’ai peur de vomir un pénis à la fin d’une phrase, de cracher des poèmes bisexuels, rimes masculines hémistichées aux rimes féminines. Puisque tu m’as donné deux vulves, tu aurais pu me gratifier de deux doigts surnuméraires afin que j’épate Léonor Fini…

 

Tartinée de sperme, criblée de morsures, ton amie Rilka chez qui Nora et toi viviez ne m’a jamais vue autrement… Auprès du service de protection des mineurs, les plaintes pour maltraitance de poupées sont irrecevables s’offusquait Rilka qui droit-de-l’hommait à tout bout de champ alors que toute cruauté m’est douce, juste avec la faim qui me tenaillait j’avais du mal à pactiser. Certaines années tu me nourrissais un jour sur deux de betteraves assaisonnées de poivre noir… Tes tableaux, tes dessins Tour menthe poivrée à la louange des petites filles goulues, Rose ou verte la nuit, Fillette au phallus, Viol, c’est moi et encore moi, moi, ton idole idiote, ta Galatée fouettée chantilly, ta plasticine schizo. Sonnez grelots du masochisme monothéiste pour la Sainte Catin que je suis. En août 1938, ton amie, l’écrivain Joyce Reeves, m’a offert une brosse à dents, du dentifrice et un peigne. La colère t’a gouaché quand je barbouillai mes cheveux de cette pâte rose et plantai le peigne dans mes gencives. Pas ma faute si j’ai le sexe buissonnier. Tu m’a moins éduquée que la chienne du sculpteur B. et tu as souvent négligé de me faire porter une muselière.

 

Si tu n’avais pas assisté aux Contes d’Hoffmann d’Offenbach à Berlin à l’automne 1932, je n’aurais sans doute jamais vu le jour sous tes mains d’étrangleur obsédé pansexuel. Le panorama rotatif que tu avais placé dans mon ventre en 1933, je tentais chaque soir de me l’ôter. Ridicule ce plateau avec sucreries, mouchoir, lampes colorées qui tournait quand tu pinçais mon sein gauche. Heureusement, tu as fini par me le retirer. Tu n’avais plus besoin d’examiner mes entrailles pour connaître mes rêves et mes pensées, tu lisais dans ta petite automate à sexe ouvert, si déréglée cotillons meringués que tu devais me régler en permanence. Comme tu ne m’as jamais appris où mettre mes mains je rangeais mes dix doigts dans ma bouche. Tu vomissais les polichinelles nazis actionnés par Hitler l’épileptique mais tu raffolais de ton pantin érotique… Quand tu tenais mes yeux ouverts au moyen de deux allumettes verticales, je me préparais au pire, je veux dire au meilleur. Les tiges métalliques que tu m’accrochais le long des bras, les cordes de chanvre qui me scoubidouaient les rotules annonçaient la suspension rupestre. Pour exciter Roberto Matta, tu me plaquais ventre au mur, laissant nues mes fesses de petit garçon, puis, me décrochant, tu m’obligeais à déambuler bras en croix, à débiter un poème d’Apollinaire quand Matta me pénétrait, ne jamais cesser de mâchouiller des vers en boucle, sans ça les mains du peintre me broyaient panaché de miettes de poupée. La Poupée, la plus belle des roulures surréalistes sera bientôt au MoMA, voilà ce que je me disais avec terreur, te suppliant de ne pas te séparer de moi, à la rigueur un prêt de quelques jours dans un bordel de Pigalle mais un musée jamais. Quand le marchand X venait nous voir, je tenais en mes paumes un cocktail Molotov de barbituriques. En 1959, alors que nous venions d’aménager dans notre nouvelle chambre à l’hôtel du Lion d’Or, au 86, rue Mouffetard, un antiquaire aux vibrisses rousses t’a suggéré de me vendre dans un sex-shop. Tu l’as poussé dans la cage d’escalier avant de m’enchaîner au lit quarante-huit demi-heures…

 

Comme tu m’interdisais de chanter, je lyriquais mes larmes en écoutant la Callas. Les épluchures de pommes de terre qui traînaient je les dévorais en cachette, ma syntaxe corporelle tellement atypique, tous les écrivains qui passaient en étaient fous, se juraient de la translater à leurs œuvres. Merci de m’avoir sauvée de Brauner qui voulut m’énucléer vingt ans après qu’un verre lancé Zeppelin par Oscar Dominguez lui eut crevé l’œil. Pour toujours, je garde l’aspect d’une nymphette allumant les nympholeptes au quart de tour. Rien qu’à me voir bouche entrouverte, les pédophiles rechutent haut et fort, récidive garantie 100%.

 

Avant de dévorer mes lèvres pulpeuses, Mandiargues plantait de fines aiguilles dans mes seins, mais c’est Max Ernst qui me grisait flamenco en m’apposant des banderilles à la base du cou, fichant un candélabre dans mon vagin. Le grand art de la corrida, c’est de faire chanter le sang une octave au-dessus du soleil. Trente ans après les faits, la vue de clous m’irise toujours panique golgothique. La nuit où tu m’en enfonças huit dans la paume des mains pour m’agrafer au mur, je me suis jurée de prendre le maquis dès que tu me détacherais, au premier hidalgo au sourire manouche je m’offrirais, mais toute la France serait placardée d’affiches « Recherche mineure en fugue, très bonne récompense ». Je ne pouvais pas te priver de ton petit Christ dressé au full-sex, tu en mourrais et sans tes sévices-délices je me désagrégerais gelée de groseilles bleues. Les bandes de gaz dont tu entouras mes mains, je les grignotai tant que tu collas du scotch sur mes stigmates, c’est pas parce que tu m’as fait sucer des sucres d’orge nuit après nuit que mes papilles sont accrocs aux betteraves. Petit papa incestueux, jamais tu ne m’as donné le jour exact de ma naissance…

 

Les cieux rouges au-dessus de la rue Mouffetard, j’aimais quand tu me les enfonçais goutte à goutte dans le corps. Les déjeuners où tu m’entrouvrais les lèvres pour les gazonner de confiture, je te demandais de me faire voir la mer. Dans un filet de pêcheur tu m’emmaillotais, ta verge tanguait en moi, roulis jusqu’au naufrage. Au fil des années, j’appris à prévoir tes colères mille décibels, à les atténuer à coups de strip-teases, de génuflexions-fellations, adorant pourtant provoquer tes foudres néroniennes. Avoir peur me maintient en forme. Qui s’adrénaline une heure par jour orgasmera jusqu’à la fin des temps. Te faire sortir de tes gonds rien de plus simple, rien de plus excitant… Une ineptie verbale, une moue de demeurée, une tache de café sur tes dessins, une réticence érotique et tes ires de matador se déchaînaient cuivres et timbale. Tes rages, une volupté pour moi…

 

Une pointe de mélancolie me ravage pourtant. Sans l’arrivée d’Hitler au pouvoir le 30 janvier 1933, dis-moi, Hans, m’aurais-tu donné la vie, froufroutée étoupe et rubans roses, lessivée sperme et vodka ? Moi, ta Fraülein artificielle, ta fille de joie dégrafée, déboutonnée de partout, qui tapine même en diagonale, moi, ta fleur de trottoir, je te confie mon secret : un jour d’automne, je m’unirai au macadam.

 

Christa, je compte sur la puissance surnaturelle de ta haine pour me rayer une fois pour toutes. Une irradiation sans reste. Un Hiroshima psychique à l’enseigne du chiffre six. J’ai confiance. Au montage, pas un zeste d’Unica ne subsistera, la pellicule, jamais, ne hoquettera mon nom, « rien » est le mot troglodyte par excellence. Dans aucun manga full manganèse, dans aucun long-métrage le quart de mes orteils ne tiendra, pas un de mes orgasmes ne sera archivé. Sur ton clavier, seule la touche « erase » me scaramouche. Naissance zéro, mort zéro, je n’entre dans aucune biographie. Tirer un personnage de mon désastre ? Mission impossible.

 

De n’avoir pas trouvé la porte d’entrée, je ne franchirai jamais la porte de sortie. Au XXIème siècle, je lancerai la mode de l’auto-extermination. Pas si simple que ça la self-suppression mais une aubaine pour les concepteurs de jeux vidéos pour kids abonnés à la dépression, une aubaine pour les seigneurs de la terre qui ne devront plus se charger de la besogne. Ich, Yo, I, Je, c’est bon pour les dyspepsiques de l’espace vital. En vérité, le commun diviseur des poupées c’est néant. Apprends au monde que U. Z. n’a jamais existé.

 

Extrait d’un roman inédit, Le Cri de la poupée.

20:32 17/01/2013 | Lien permanent | Tags : lis tes ratures |  Facebook

15
jan

Sentence builder

Jeu #31 avant de réussir à dormir:

(merci)

Je n'ai rien de toi, pas même le sang, pas même le sens du sens, la brume, le brouillard, les indices d'humidité ne nous ressemblent pas, finalement. Les traitres sont les hommes de main. Voudrais tu un peu de café dans ta tasse, un peu de sucre dans ton café, un peu de pus dans ton sucre?.
Je n'ai rien de toi, pas même le sang, pas même le sens du sens, la brume, le brouillard, les indices d'humidité ne nous ressemblent pas, finalement. Les frileux sont leurs outils. Voudrais tu un peu de café dans ta tasse, un peu de sucre dans ton café, un peu de pus dans ton sucre?.
Je n'ai rien de toi, pas même le sang, pas même le sens du sens, la brume, le brouillard, les indices d'humidité ne nous ressemblent pas, finalement. Les morts sont leurs atouts. Voudrais tu un peu de café dans ta tasse, un peu de sucre dans ton café, un peu de pus dans ton sucre?.

Yüksel Arslan accident du travail.jpg

(art: Yüksel Arslan)

23:50 15/01/2013 | Lien permanent | Tags : humoeurs, place net |  Facebook

Entre oui et non

«U-Boat hunting», 1941..jpg

S’il est vrai que les seuls paradis sont ceux qu’on a perdus, je sais comment nommer ce quelque chose de tendre et d’inhumain qui m’habite aujourd’hui. Un émigrant revient dans sa patrie. Et moi, je me souviens. Ironie, raidissement tout se tait et me voici rapatrié. Je ne veux pas remâcher du bonheur. C’est bien plus simple et c’est bien plus facile. Car des heures, que du fond de l’oublie, je ramène vers moi, s’est conservé surtout le souvenir intact d’un pure émotion, d’un instant suspendu dans l’éternité. Cela seul est vrai en moi et je le sais toujours trop tard. Nous aimons le fléchissement d’un geste, l’opportunité d’un arbre dans le paysage. Et pour recréer tout cet amour, nous n’avons qu’un détail mais qui suffit : une odeur de chambre trop longtemps fermée, le son singulier d’un pas sur la route. Ainsi de moi. Et si j’aimais alors en me donnant, j’étais moi-même puisqu’il n’y a que l’amour qui nous rende à nous-même. Lentes, pénibles et graves, ces heures reviennent, aussi fortes, aussi émouvantes – parce que c’est le soir, que l’heure est triste et qu’il y a une sorte de désir vague dans le ciel sans lumières. Chaque geste retrouvé me révèle à moi-même. On m’a dit un jour : « C’est si difficile de vivre. » Et je me souviens du ton. Une autre fois, quelqu’un a murmuré : » La pire erreur, c’est encore de faire souffrir. » Quand tout est fini, la soif de vie est éteinte. Est-ce là ce qu’on appelle le bonheur ? En longeant ces souvenirs, nous revêtons tout du même vêtement discret et la mort nous apparait comme une toile de fond aux tons vieillis. Nous revenons sur nous-mêmes. Nous sentons notre détresse et nous en aimons mieux. Oui, c’est peut-être ça le bonheur, le sentiment apitoyé de notre malheur.

Entre oui et non Albert Camus, extrait de L’envers et l’endroit (1937)

19:41 15/01/2013 | Lien permanent | Tags : lis tes ratures |  Facebook

11
jan

La grande Ourse

"Nous sommes maintenant assis dans la cuisine à la table carrée. Je suis dos à la fenêtre, elle me fait face, son visage est parfaitement éclairé par la lumière du dehors, elle resplendit, je pense : Elle est stellaire. 

after Deakin, 1953 (Joy Parker) - Frank Egloff.jpg

Puis, par référence au nom que les psychiatres donnent aux patients comme elle, bipolaires, je rectifie aussitôt : Elle est polaire. Oui, elle est perchée sur une des deux extrémités du monde." 

Marc Pautrel, Polaire, Coll. "L'Infini", Paris, Gallimard, 2013, p. 82. (merci Jean-Michel D. - art : after Deakin, 1953 (Joy Parker) - Frank Egloff)

08:14 11/01/2013 | Lien permanent | Tags : humoeurs, ego trip-e, lis tes ratures |  Facebook

10
jan

Héroïne 1ère

Celle dont je ne me lasserais pas, jamais.

Violette...

Leduc.

girls on tracks.jpg

21:40 10/01/2013 | Lien permanent | Tags : girlz |  Facebook

Homme Mage #246

09-2012-mietcass1.jpg

manque. soleil. amour. herbe. mains.

20:54 10/01/2013 | Lien permanent | Tags : luv, humoeurs |  Facebook

9
jan

O&EbyG&PB

Voir/entendre/Se Soumettre à un cadeau d'entre ciels et terres, à cet Orpheus und Eurydike...

 
Duration: 2 hours

orphée & eurydice de PINA.jpg

Dance-opera by Pina Bausch
Music Christoph Willibald Gluck

Musical Direction Janos Kulka / Director and Choreographer Pina Bausch / Collaboration Hans Pop
Set and Costume Design Light Rolf Borzik / Choirs Werner Wilke / Technical Direction Rolf Bachmann

Love
Orpheus
Singer Lois White
Dancer Dominique Mercy

Death
Eurydice
Singer Ingeborg Krüger
Dancer Malou Airaudo

Youth
Armor
Singer Elena Bajew
Dancer Vivienne Newport / Marlis Alt

Grief
Marlis Alt, Pedro Mascarello Bisch, Hiltrud Blanck, Tjitske Broersma, Sue Cooper, Michael Diekamp, Laszlo Fenyves, Colleen Finneran, Lajos Horvath, Margaret Huggenberger, Stephanie Macoun, Yolanda Meier, Jean Mindo (Jan Minarik), Vivienne Newport, Barbara Passow, Monika Wacker, Barry Wilkinson;

Power
Marlis Alt, Pedro Mascarello Bisch, Hiltrud Blanck, Tjitske Broersma, Sue Cooper, Michael Diekamp, Laszlo Fenyves, Colleen Finneran, Margaret Huggenberger, Stephanie Macoun, Yolanda Meier, Jean Mindo (Jan Minarik), Vivienne Newport, Barbara Passow, Heinz Samm, Monika Wacker

Peace
Marlis Alt, Pedro Mascarello Bisch, Hiltrud Blanck, Tjitske Broersma, Sue Cooper, Michael Diekamp, Laszlo, Fenyves, Colleen Finneran, Lajos Horvath, Margaret Huggenberger, Stephani Macoun , Yolanda Meier, Jean Mindo (Jan Minarik), Vivienne Newport, Barbara Passow, Monika Sagon, Heinz Samm, Monika Wacker, Barry Wilkinson

Dying
Marlis Alt, Pedro Bisch, Hiltrud Blanck, Tjitske Broersma?, Sue Cooper, Michael Diekamp, Laszlo Fenyves, Colleen Fin neran, Lajos Horvath, Margaret Huggenberger, Stephanie Macoun, Yolanda Meier, Jean Mindo (Jan Minarik), Vivienne Newport, Barbara Passow, Heinz Samm, Monika Wacker, Barry Wilkinson

 

Orphée & Eurydice:

L'histoire d'amour entre Orphée et Eurydice est l'une des plus célèbres de la mythologie grecque. Elle symbolise les craintes de la passion amoureuse. Fils de la muse Calliope et du roi de Thrace Oeagre, Orphée fut le plus célèbre poète et musicien de la mythologie grecque. Parfois attaché à la descendance d’Apollon compte tenu de ses dons artistiques il est resté dans l’histoire pour la force de l’Amour qui l’unissait avec une Dryade : Eurydice. La mort prématurée de celle-ci sera laissera Orphée abattu et désespéré.

Un couple presque parfait

C’est en revenant d’une longue expédition au coté des Argonautes qu’Orphée rencontre Eurydice dont il tombe immédiatement amoureux. Tout semble réuni pour une belle histoire d’amour et pourtant dès les premiers instants de leur mariage des signes inquiétants se multiplient. En effet le chant d’Hyménée, le dieu du mariage, est triste et sans joie, la torche qu’il brandit lors de la cérémonie est faible et sa fumée est ocre. Les invités ayant compris pleurent et sont tristes des mauvais présages qui ainsi s’amoncellent.
Mais les mauvaises nouvelles affluent encore tout au long de ce jour de mariage. En fin de journée Eurydice part se promener en compagnie des Naïades quand soudain Aristée, un fruste berger, surgit et commence à les pourchasser. Toutes parviennent à fuir mais Eurydice dans sa course se fait accidentellement piquée par une vipère. Elle meurt presque instantanément, laissant Orphée dans une souffrance si grande qu’il se retourne vers les cieux. Ses pleurs déchirants s’élèvent vers les Dieux des mois durant. Mais rien ne se signale. Sans réponses à ses prières il décide alors de se rendre aux Enfers.
Zeus, ayant fait le constat de sa rage, lui accorde ce privilège rare et exceptionnel.

Orphée séduit les Enfers

Pour accéder aux Enfers Orphée se rend à Ténare en Laconie où dans le fond humide d’une obscure caverne il découvre l’accès menant au royaume des morts. Sa lyre et ses talents musicaux pour seules armes il joue si admirablement de son instrument que bientôt sa musique fait virevolter jusqu’aux nuages de fantômes qui l’accompagnent. Charon, le Cerbère et les Trois juges de la mort sortent le temps de ses notes de leur rôles intransigeants et sévères pour chacun leur tour s’effacer devant lui.
Tout autours de lui succombe et se plie à la puissance évocatrice de sa musique. Les pires suppliciés vivent un temps de répit fugace et humain, les âmes les plus perverses et retorses subissent l’ascendant enchanteur de ses notes. Finalement Hadès cède et lui accorde le privilège unique de remonter avec Eurydice vers la lumière des vivants.

La seconde mort d’Eurydice

Mais Hadès avait exigé que pendant toute la montée vers le monde des vivants Orphée ne se retourne sous aucun prétexte pour s’assurer qu’elle le suivait. Longtemps il résiste à cette torture puis n’en pouvant plus d’inquiétude il se retourne à quelques encablures de la lumières.

Eurydice était bien là et dans un dernier cri déchirant elle perd pour toujours la vie.

La mort d’Orphée

Accablé Orphée tente de nouveau de redescendre en vain aux Enfers. Eurydice est belle et bien morte. Alors Orphée décide de se retirer au sommet du mont Rhodope où il se cachera. Fidèle à la mémoire d’Eurydice une légende raconte qu’il n’avait de cesse de chanter son amour encore vivant. Les femmes de Thrace en proie à une folie jalouse et furieuse s’acharne sur lui et jette son corps déchiqueté à l’eau. D’autres versions en revanche attribue sa mort à Zeus après qu’Orphée eu divulgué les secrets du royaume des morts.

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18:15 09/01/2013 | Lien permanent | Tags : arts, humoeurs, muse-hic |  Facebook

Le burn-out, maladie du sens

Le burn-out, maladie du sens

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Éric de Bellefroid- Mis en ligne le 07/01/2013

L’analyse pionnière de Pascal Chabot sur un mal de civilisation.

André Malraux, cette fois, ne nous avait pas dit que le XXIe siècle serait celui d’une nouvelle maladie de civilisation. À l’égal, peu ou prou, de la mélancolie au XIXe ou de la neurasthénie au XXe, le burn-out est entré dans les mœurs. Par la petite porte, tant il reste discrètement confiné au rang de tabou. De maladie honteuse.

Encore fallait-il déjà s’attaquer au sujet. Ce que le philosophe belge Pascal Chabot n’a pas craint de faire, explorant la pathologie pour les Presses universitaires de France, où notre jeune compatriote Laurent de Sutter dirige à présent la belle collection "Perspectives critiques" fondée par l’excellent Roland Jaccard, écrivain vaudois et longtemps critique littéraire au "Monde".

Spécialiste de Gilbert Simondon et du rapport transactionnel entre l’humain, la technique et le progrès, Pascal Chabot s’en est allé quérir loin en arrière les origines du burn-out. Il l’apparente en effet à l’acédie médiévale des moines épuisés par le travail de prière au point d’en perdre la foi dans le système divin. Fatigue loin de se résumer à une maladie de la paresse et de l’oisiveté.

Maladie du "trop" en revanche, comme la toxicomanie. Car, s’agissant du burn-out postmoderne, on lit ici que "les personnes affectées furent consciencieuses, ardentes, dures à la tâche." Et Pascal Chabot d’ajouter : "Trop de travail, peut-être trop d’idéalisme, trop d’investissement." Voilà qui prête donc un nouveau visage à ce mal trouble, qu’on préfère ne point trop identifier, quand il ne suscitait pas naguère le sourire ou le persiflage.

Et pourtant. Il est temps, avec le philosophe, de s’étonner de l’optimisme des idéologues des années 1960 qui, lorsqu’ils envisageaient le développement technologique du futur, prédisaient que les machines nous libéreraient définitivement du travail, nous promettant une enchanteresse société du loisir. Un paradis terrestre dominé par les plages et les automobiles.

On est loin du compte. L’on voit surtout de nos jours que l’humain est devenu une ressource qui "dégorge, lui aussi, ses meilleures énergies, sa sueur, son temps". Étant de toutes façons surnuméraire, et donc remplaçable. Le burn-out suscitant dès lors un climat de peur panique, avec ses symptômes de fatigue, d’anxiété, de stress ingérable, de dépersonnalisation et de sentiment d’incompétence.

Remontant le temps donc, Pascal Chabot a pu observer que cette affection psychique avait affleuré dès les années 1970, lorsque le psychiatre new-yorkais Herbert Freudenberger, œuvrant jour et nuit dans une clinique pour toxicomanes, avait conclu à ce syndrome à partir de son propre état d’épuisement.

Le mot, lui, n’était déjà plus tout nouveau puisque l’écrivain anglais Graham Greene s’en était emparé dans "La Saison des pluies" ("A Burnt-Out Case", 1961), roman que lui avait inspiré en 1959 la visite d’une léproserie au Congo en 1959, où les médecins belges utilisaient ce terme pour désigner l’état consumé des malades. C’est-à-dire déjà en voie de guérison, quand le patient arrivé au terme du processus de combustion négocie l’après de la maladie, le début du renouveau. Comme chez Dante, tout a brûlé, mais lui demeure. Le burn-out aura été une catharsis.

On le saisit de mieux en mieux, c’est à une fine et pénétrante critique du management technocapitaliste, avec ses euphémismes creux et ses très parlants "deadlines", que se livre Pascal Chabot. Critique d’un "travail sans fin" : sans limite ni finalité. À la fois "berceau et tombeau des illusions" du travailleur, en vaine quête de reconnaissance, en butte au culte fou de la performance, en proie finalement à une totale perte de sens.

 

Global Burn-out Pascal Chabot Puf, coll. "Perspectives critiques" 146 pp., env. 15 €

En librairie le 9 janvier


tiens, le 9 janvier, c'est aujourd'hui, ça tombe bien.

10:44 09/01/2013 | Lien permanent |  Facebook

8
jan

tandis que...

tandis qu'en attendant de perdre l'impatience, je perds déjà quelques traces, je note ici que je ne dois pas oublier de crier, surtout s'il y a des sourds aux alentours.

Ikko Narahara - Domains. Garden of Silence, No. 52, Hakodate, Hokkaido 1958.jpg

16:24 08/01/2013 | Lien permanent | Tags : humoeurs |  Facebook

Chute des corps (2/2)

Members of The Society for the Suppression of Vice and Martin H. Meany, New York City Deputy Police Commissioner, supervise the burning of forbidden books. 1935.jpg

Le désir est ce qui couvre d’un seul visage nos deux mondes : celui de la destruction et celui de l’amour. Le visage est la solution toujours provisoire de ce conflit .

La Chute des temps, Bernard Noël

12:06 08/01/2013 | Lien permanent |  Facebook